Mon arbre magique,

Après la montagne d’Ibel où les Bédik se sont réfugiés pour fuir les poursuites Peulhs, à la frontière de la Guinée, j’ai découvert, à Salémata, devant ma case, un bout de bois fiché en terre qui portait une fort jolie jarre.

Les femmes en habits traditionnels, sourire aux lèvres, mains dans un baquet peignaient les murs avec un mélange de bouses de vache diluée dans l’eau ; une pierre servait de pigment.

Quelle bonne idée !

Au Sénégal, pendant la saison sèche, partout, des bougainvillées fleurissaient les clôtures ; le petit baobab scorpion éclairait l’herbe sèche de ses magnifiques fleurs violettes ; je n’avais qu’à me baisser pour cueillir un pain de singe, en suçoter les graines aigrelettes ; l’arbre de karité offrait son tronc balafré par la vieillesse et quelques touracos violets nous souhaitaient le bonjour du haut des acacias. Du haut du campement Pelloun qui signifie « le haut de la colline », nous dominions les cases éparpillées sous les arbres ; la chaleur était redoutable, surtout en consommant un peu de vin de palme : sorte de limonade acidulée et rafraichissante qui fait tourner la tête en un rien de temps…

En coupant du bois cet hiver, j’ai longuement cherché un trident végétal dans la garrigue. Ce sont surtout les arbres fruitiers qui forment trois branches. J’ai finalement trouvé une branche de chêne vert qui me convenait.

Il trône désormais devant ma maison, ressuscitant en quelque sorte un arbre mort de vieillesse. Il a suffi de creuser, cimenter, nicher dans l’abri une jarre remplie de fleurs. À ses pieds, j’ai repiqué des œillets d’Inde qui vont bientôt fleurir, posé une ceinture de galets de la rivière Ardèche.

Il me reste encore à peaufiner les détails, à « pendoler » quelques bricoles pour que mon totem prenne sa forme définitive.

Me pardonnerez-vous d’avoir éhontément piqué l’idée…

Il trône désormais devant ma maison